« I was born in a hurricane »

« Ton père a fait son choix Jaime, j’ai fait le mien ! »
« Mais… papa ?! »
Un soupire exaspéré avant qu’elle ne quitte la pièce d’un air agacé. De mon coté, du haut de mes huit ans, je ne parvenais pas très bien à comprendre, à réaliser ce qui se passait. Tandis que des agents du JAG ne cessaient de venir nous rendre visite, que ma mère se complaisait dans les bras d’un autre homme, moi, je contemplais mon monde s’écrouler. Voilà plusieurs années que ça n’allait pas très bien entre mes parents. Lui accaparé par ses missions militaires autour du globe, elle se sentant seule, les tensions étaient venues aussi facilement que leur amour, et même la présence d’un enfant ne parvenaient à les garder unis. Elle avait vite trouvé refuge dans les bras d’un autre homme, tandis que lui se défoulait sur le terrain Dieu seul savait où. Mais moi, moi, je voulais juste mon papa. Mon papa, dans ma maison, avec ma maman. Et non pas cet imbécile d’Arthur qui se prenait pour Dieu le Père. Et puis il y avait eu cette mission. Cette fameuse et difficile mission. Un soldat blessé. Un ordre donné. Inexécuté. Mon père avait soudain prit la décision de désobéir à ses supérieurs pour sauver la vie de ses hommes. Résultat ? Il avait prit la fuite avec son peloton. L’armée avait débarqué chez nous pour savoir si on l’avait vu ou avait eu des nouvelles. Mon père était un traitre, un déserteur pour l’armée. Un looser, un inconscient pour ma mère. Et pour moi ? C’était juste mon papa.

« Pense à ta fille Ray ! On peut pas la gerder là. Elle risque trop. »
« Mais justement c’est ma fille Boon ! Je peux pas l’abandonner. Tu vois bien qu’elle a besoin de moi, de nous. Dans le fond c’est qu’une mission comme une autre non ? »
« Une mission ? Elever une gamine de dix ans alors qu’on est recherchés, t’appelle ça une mission ? » Il mit un moment pour réfléchir. « Bon sang je te déteste Ray ! Hey les gars ! Le commandant à décidé qu’on avait une nouvelle mascotte. Opération Cheetah les mecs, on est foutu !!! »

Opération Cheetah. Je souris. J’aimais bien le nom de cette opération. Mon père se tourna vers moi et me sourit. Il me tendit la main, que je pris, puis m’emmena faire la connaissance de ses hommes. Des hommes qui ce jour là devinrent comme des oncles.
Trois jours plus tôt ma mère oubliait de venir me chercher à l’école. J’étais rentrée par mes propres moyens pour ensuite me faire accueillir par un beau père à l’humeur massacrante. J’étais malheureuse. L’armée avait calmé ses recherches sur le Commandant Larkin, ma mère venait de se remarier, et on avait déménagé à Seattle. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans la boite aux lettres une carte postale de Toronto. Une carte signée papa. « Ne t’inquiète pas chaton, papa veillera toujours à ce que tu retombes sur tes pattes. » J’avais pleuré, puis ça m’avait prit comme une envie de pisser. J’avais fourré des affaires dans un sac, volé de l’argent dans le portefeuille d’Arthur et j’étais partie. Une fugue improvisée mais plutôt bien orchestrée. Quelques jours plus tard je trainais dans Toronto à la recherche de mon père. Je ne me souviens pas comment je l’ai retrouvé, ou comment il m’a retrouvé. Tout ce que je me revois c’est son visage en colère tandis qu’au téléphone il tente d’expliquer à ma mère que je suis venue le rejoindre sur la base d’une carte postale. « C’est ma fille merde ! Si elle fugue pour venir me rejoindre c’est bien qu’elle est malheureuse avec ton connard de nouveau mari ! C’est ça Beth ! Arthur est mieux que moi ! La preuve ! Il a même pas capté que la gosse se barrait sous son nez ! Non Beth ! Tu sais quoi ! Je la garde la gamine ! Elle reste avec moi ! Et toi va te faire foutre ! » J’avais honte. Et peur. Honte parce que j’avais fait peur à plein de monde. Peur parce que qui me disait que mon père allait vraiment vouloir de moi ? Lui, recherché. Il se frotta le visage en s’approchant, me dit en souriant que j’étais un drôle de petit chat, mais qu’on trouverait une solution. Quelques heures plus tard, je faisais la connaissance de mes oncles…

« She said baby, it's understood »

« J’en ai marre Ray ! Elle écoute jamais ce qu’on lui dit, elle disparait toute la journée sans qu’on sache où elle est. Il faut que tu la recadres, on est pas ses parents nous ! C’est ta fille bon sang !»
« Je sais Alina, je sais, mais que veux-tu, je peux pas la prendre avec moi pendant les opé ! »
Alina soupira en se mordant l’intérieur de la joue, tandis que papa la regardait avec ses yeux de braises, léger sourire en coin.
« Elle travaille bien à l’école au moins ? »
« Quand elle y va, oui. Elle a volé une voiture la semaine dernière ! Elle a treize ans Ray ! Et elle a volé une voiture ! »

Du haut de mon arbre je les écoutais se chamailler encore un moment puis décidais que ça n’en valait plus la peine. Pieds nus, j’arpentais les toits de la petite ferme malgache puis sautais à terre. Je fus aussitôt saisi par un homme de mon père. « Alors il parait qu’on en fait voir de toutes les couleurs à Alina et Yvan ? »
Alina et Yvan. Un gentil couple qui avait accepté de rendre service au Commandant quand celui-ci partait jouer les mercenaires intérimaires sur la planète. On avait trouvé une petite planque à Madagascar, c’est là que j’y passais le plus clair de mon temps, mais pas forcément comme mes tuteurs l’entendaient. Mon père me manquait. J’aimais être avec lui et ses hommes, et détestais quand il partait faire je ne sais quoi je ne sais où. Ça m’énervait au pus haut point, et inconsciemment c’est sur Alina et Yvan que je me vengeais. Comme vous l’aurez compris, je passais le plus clair de mon temps à vadrouiller en solitaire autour de l’île, explorer ses coins et ses recoins et tenter de m’occuper en vivant mes propres aventures.

« Viens là Chaton. » Je le rejoignis sur son rocher. La vue était extraordinaire.
« Tu sais qu’Alina est malheureuse ? Tu sais pourquoi ? »
« Parce que je suis jamais là, et que je fais des bêtises. »
« Exactement. Et tu sais pourquoi tu fais des bêtises ? »
J’hésitais… Puis… « Parce que je m’ennuie. » Puis je me lâchais. « T’es jamais là ! T’es toujours en vadrouille ! Et l’école c’est franchement nul ! J’ai pas abandonné maman pour venir croupir sur une plage ! Moi je veux vivre ! Bouger ! Vivre quoi ! Plonger, sauter, conduire ! Je sais que c’est mal d’avoir piqué la voiture, mais c’était super marrant d’aller vite sur la corniche et…» Il m’interrompit d’un geste. Je soupirais, m’attendant à recevoir le sermon de ma vie. Au lieu de ça il se mit à rire, enfouissant son visage dans ses mains.
« Oh merde Cheetah ! Boon aurait pas pu se tuer en te donnant ce surnom là !? Tu t’arrêtes jamais hein ? » Je me mordis la lèvre. Il rit encore, posant une main massive sur ma tête et m’emmêlant les cheveux. « Jaimie. Si je t’autorise à venir avec nous parfois. Tu promets d’obéir à Alina et de faire tout ce qu’elle te dit ? »
Je promis.

« T’es sure que tu sais piloter ça ? »
« J’ai vu papa faire une fois ! »
« T’as ? T’as vu ton père le faire une fois ?!!! Non mais je rêve ! Elle va nous tuer ! »
Je jetais un regard à Boon et lui sourit de façon moqueuse.
« Quoi ? T’as peur ? Tu sais pas qu’un félin retombe toujours sur ses pattes ? Au pire quoi ? On se fera juste un peu mal ! »
Et tirant sur la manette, l’appareil décolla. Je suis sure que Boon était certain de mourir ce jour là. En même temps, on est pas censé savoir piloter un hydravion à l’âge de quinze ans, ni même tenter à amerrissage à 300 miles des côtes japonaises. Mon père m’avait promis de m’emmener partout avec lui, du moment que j’étais une gentille fille. J’avais appris à me tenir, et il avait tenu sa promesse. Voyageant régulièrement à travers le globe je participais aux diverses missions de mon père. Ce dernier vendait ses services à des gens fortunés qui avaient besoins de certaines compétences dans certains domaines. Récupérer un objet, saboter une usine, libérer un otage, lui et son équipe étaient sans cesse en mouvement. Et moi ? J’étais avec eux. Mon père m’intégra à son équipe, j’appris la discipline, le maniement des armes, des explosifs, et divers langues. Le truc c’est que comme papa, j’étais douée et j’adorais ça ! Le petit chaton gagnait en vitesse et dextérité, je devenais le guépard dont on m’avait donné le nom.

« She's only rock 'n roll »

« Dégage de là toi ! » Sans plus de cérémonie je poussais le videur et avant même qu’il ait pu dire quoique ce soit, je lui filais entre les pattes et pénétrais dans la salle. Il y faisait une chaleur étouffante. La fumée de cigarette rendait l’air presque irrespirable, et malgré le monde incroyable présent, je ne me démontais pas. Tel un félin cherchant sa proie, j’arpentais la foule du regard jusqu’à ce que je repère ma cible. Il était là, tranquillement assis sur un fauteuil, fumant un cigare en compagnie d’autres types de son espèce. Ni une ni deux je lui fonçais dessus. A mi chemin la foule se dégagea, lui permettant de me voir. Instinctivement je criais son nom, tel l’annonciation du déluge.
« MARSHALL !!!! » Il tourna la tête vers moi, prit un air faussement surpris et me répondit comme heureux de me voir. « Cheetah ! Ma grande ! » Mais malgré ça, je pouvais voir dans son regard une lueur d’inquiétude. Oh oui il pouvait être inquiet. J’étais prête à le laminer. Comme une furie, je m’approchais, et juste devant la table basse lui sourit d’un air tout à fait mauvais.
« Trésor ! Que me vaut ta visite ? » A la tête que je faisais, les pouffiasses et crétins qui l’entouraient reculèrent d’un pas. Je faisais vraiment tache ici, vêtue d’un jean crasseux, de vieille basket et avec ma tête de tueuse. J’arborais un mec à la gauche de Marshall et pointais du doigt une bouteille de champagne.
« Elle est vide ? » Il me regarda sans comprendre. « Euuuh ouai… » Sourire malsain puis ni une ni deux j’attrapais le goulot et fracassais la bouteille sur la tête de mon Marshall.
J’entendis certaines personnes pousser un cri de surprise, et sentit des gorilles m’encadrer gentiment. D’un geste brusque je dégageais le bras qu’on venait de me prendre. Ma victime, toujours en vie, se tenait la tête tandis que du sang s’échapper d’entre ses doigts.
« La prochaine fois qu’il te prend l’envie de me baiser, rappelle toi que j’appartiens pas au genre des herbivores mais plutôt à celui des carnivores ! Tu me dois 460 000 dollars et crois moi que je les aurais !»
Les gorilles me saisirent avec plus de volonté les bras. J’inspirais calmement, me priant au calme, et souhaitant plus que tout ne pas avoir à leur fracasser la tête à eux aussi. Bizarrement sans bouteille de champagne en main et face à deux gars de 2m10 et 150 kilos, je sentais mes chances diminuer. C’est alors qu’une voix leur demanda de me lâcher et me demanda gentiment si je voulais boire un verre. J’avoue que je restais surprise à détailler mon interlocuteur. Probablement le proprio puisque Tarzan et Jane venaient de me lâcher. Et puis un verre, ce n’était pas de refus, surtout après ma montée de nerfs. Le proprio ? Aleksandr Stoyanovich, un gars pas fréquentable et qu’il valait ne mieux pas emmerder. Si j’avais du souci à me faire ? En tant normal j’aurais dû, mais pas quand on s’appelle Jaime Larkin et qu’on a la manie de retomber sur ses pattes. Il me proposa un job. J’acceptais.

« Allez bébé !!! Démarre !! Fais plaisir à maman ! » Légèrement stressée, je l’avoue, je jetais un coup d’œil sur le tableau de bord. Les hélices ne tournaient pas, ce qui n’allait pas. D’un geste rapide j’attrapais mon flingue et le donnais à mon complice.
« Tu sais t’en servir ? Alors couvre moi ! »
Puis je sortis de l’hélico. D’un bond je sautais et m’accrochais à une hélice puis tentais de secouer le tout violemment. Enfin un clac. Je lâchais prise et remontais aux commandes sans me préoccuper du blondinet à coté de moi, ou des FARC qui nous arrivaient dessus. De nouveau je m’adressais à la machine. « Allez mon trésor, sois une gentille fifille et sort nous de là. » Moteurs en route, les hélices commencèrent à tourner. Puis lentement nous décollâmes. Je me dis à cet instant qu’il fallait que j’ajoute un truc à ma liste des choses les plus digues que j’avais faites : foutre le feu à un campement des FARC et leur voler un hélico en ruine.
Quelques heures plus tard, je devais rajouter autre chose : amerrissage d’hélico sur plage semie abandonnée. Et le pire dans tout ça, c’est que pas une seconde j’eu peur de me tuer. Bien au contraire je pris un pied d’enfer à cette aventure. Aventure qui me permit de faire la charmante rencontre du jeune fils de l’Ambassadeur Américain.
Deux jours plus tard, j’étais au volant d’une skyline, à bosser pour les Cartels. Peu m’importe pour qui je bosse. Je suis loyale à Aleks c’est tout. Pour le reste il n’y a que trois choses qui me font vibrer : le danger, les moteurs et l’argent… A bon entendeur...