Bogotá, capitale de la Colombie perchée dans la Cordillère des Andes, haut-lieu de culture mais tristement réputée pour être le fief de cartels et autres groupes de crimes organisés. Derrière un paysage idyllique, derrière toutes ces maisons de couleurs, quelque chose grouille là-dehors, qui bouillonne de clandestinité et d'interdits. Une odeur de sang et d'essence. Une pluie qui tombe sur la ville comme une poudre blanche. Un coup de feu qui brise le silence de la nuit. Les bas-fonds de Bogotá résonnent d'une mélodie qui déraille, de cris stridents et d'éclats de taule. La ville est une véritable poudrière, qui conditionne un furieux mélange d'armée révolutionnaire et de cartels. Au milieu des règlements de comptes et des courses clandestines, les colombiens tentent de se frayer un chemin, font des habitants de leur quartier des membres de leur famille, prouvant par leurs actes que la famille ne s'arrête pas avec le sang, ils se soutiennent, nourrissent des rêves d'un avenir meilleur, plus calme, où les enfants des uns ne feront pas à la guerre aux frères des autres.

« Vivre ici, c'est un combat de tous les jours, une lutte infernale pour ne pas sombrer dans les extrêmes. On n'échappe pas à cette vie quand on naît à Bogotá, on n'est jamais totalement en dehors de ce qui se passe dans les rues. Il y a toujours une amie, un frère, quelqu'un que l'on connaît et qui nous est cher, qui trempe dans des histoires pas très nettes. Le plus incroyable dans tout ça, c'est qu'on ne peut pas s'enfuir. Je veux dire, on a beau quitter le pays, tourner le dos à tout ça, il y a toujours quelque chose qui nous retient, qui nous ramène ici. Cette ville c'est la nôtre, même si elle pue le crime et la prostitution, même si ça déborde ça et là de violence et de trafics en tout genre, Bogotá, on l'a dans le sang. Parce que cet endroit, ce n'est pas juste des mauvais côtés après tout. Dans ces quartiers il y aura toujours quelqu'un pour vous tendre la main, malgré les tensions, les codes d'honneur à foison, nous ici on se soutient, on n'a pas que de la misère dans nos veines, on a nos propres règles, notre morale, quoiqu'en dise les médias, la police et les hautes-sphères de ce monde qui agonise, nous en bas on a les notions d'une valeur qui ne s'invente pas, la famille. »

Quelque part dans un des buildings du centre-ville, on frappe du poing sur une table, ébranlant les piles de papiers qui la jonchent. Il ne faut pas croire que dans ce chaos, il n'y a personne pour tenter de changer les choses, il reste des incorruptibles qui espèrent toujours pouvoir laver les rues de leur ville, des agents d'organismes internes et surtout étrangers qui agissent aussi bien dans l'intérêt de la Colombie que dans celui de leur propre pays. La confiance n'est pas monnaie courante, moins encore de ce côté de la loi qui souffre de la corruption et des conflits d'intérêts, les forces de police sont plus décousues que les gangs. Aucun camp ne s'affirment vraiment, il est difficile de reconnaître un homme honnête dans cette effervescence, entre les corrompus notoires et les policiers qui ne veulent que faire leur travail. À Bogotá, rien n'est comme ailleurs, tout se mélange, rien n'a de sens, on se débat dans les mains du crime sans vraiment savoir d'où vient la menace. Les murmures de la nuit tombante révèlent des rumeurs, des souffles dénoncent les uns, innocentent les autres. Dans ce ballet interminable entre le bien et le mal, il n'y a nul espoir de répit mais la quête de tout un chacun vers ce qu'il est vraiment.