La peur ? Je ne connais pas. Petit peut être, j’ai du connaitre, les basiques. Puis on m’a entrainé, on m’a torturé et au final, je pense que je n’ai jamais su reprendre forme humaine. On me surnomme l’homme de pierre ou d’acier. Pas que je sois si fort, juste que tout le monde se demande si je ressens quelque chose.

Mon premier meurtre ? Facile. Je l’ai égorgé. Je n’étais pas de ces petites recrues douces et inoffensives, j’étais en colère, j’étais gagné par l’envie de vengeance, le type devait mourir, c’est ainsi qu’il finit. Je tentais de l’intimider, il me rit au nez, j’avais un couteau sur moi et plus il riait, plus la colère me submergeait. Ce fut rapide, dégueulasse, mais ce fut ce pour quoi je fus respecté.

Mon rôle ? Faire ce que les autres n’arrivent à faire. Et je le fais mieux que personne, n’en déplaisent. Je suis un des membres qu’on apprécie le plus, pas pour son caractère enjoué mais pour son efficacité et sa capacité à ne montrer aucune émotion. Je ne supporte pas qu’on nettoie à ma place. On a failli me demander de nettoyer derrière les autres mais j’ai refusé. Je voulais être dans l’action, pas relégué aux basses besognes. En revanche si je peux, je tue et nettoie derrière.

Un avenir ? Je ne sais pas. Peut être avec elle, ou elle, ou aucune. Je n’ai pas vraiment d’amis, ni de famille proche. Je ne suis pas de ceux qui projettent loin, ou qui veulent la belle barrière blanche et la maison avec les gamins. Pire, je déteste les chiens. Moi ce que je veux, c’est agir, être là quand et où ça se passe.

« Alejandro tu fous quoi on n’a pas tout notre temps ! » Anna. La chieuse. Elle est du cartel, elle. Moi aussi, presque. Parfois je ne sais plus dans quel camp je suis. J’ai toujours été en mon fort intérieur un tueur. Juste né pour tuer. Je ne sais presque pas faire autre chose. Pourtant, quand je l'ai rencontrée, j'étais confus. Je savais au fond pour qui elle travaillait, j'ai choisi de l’ignorer, sciemment.

« Alejandro tu sais que maman va nous gronder ? » Je regarde ma petite sœur. Elle qui a l’air si…innocente. Tout le contraire de moi. Ou de nos parents. Parfois je me demande comment ces monstres ont engendrés un ange. Mes parents trainent dans le trafic humain depuis des années, en fait ils touchent un peu de tout il faut le dire. Le cartel de Medina les apprécie pour leur bon travail. Je sais que s’ils n’étaient pas ce qu’ils sont, je serais normal. Définir normal. Je suis né non désiré. Pas plus que ma petite sœur. Nous ne sommes pas de la même famille, ma mère ne sachant pas garder sa petite culotte.. Comment tout a commencé ? Par une nuit de décembre.

On était sortis tous les deux. Anna et moi. J’adore cette gamine, toujours à sourire, même si moi, c’est très rare, voire rarissime. Je me souviens avoir fini par rentrer soul. Une fois arrivé, la maison brulait – le manoir – et mes parents sortaient, escorté par des gens dont j’ignorais tout. Ma sœur et ma mère furent violés devant moi, ma mère et mon père torturés et tués, égorgés plus précisément. Ce fut le début d’un renouveau pour moi. La création d'Alejandro, celui qui ne montre rien et qui frappe dans l’ombre. Ces gens étaient du FARC, leur but était sans doute de me tuer, après m’avoir forcé à regarder tout ça. Ma sœur et moi furent « sauvés » par des membres du cartel et enrôlés dans une mission, un grand plan que nous ne connaissions pas. Je fus entrainé, mais sans vraiment comprendre, ils virent bien vite que mes aptitudes à ne rien ressentir, à ne rien montrer et à me montrer impitoyable étaient ce qu’ils recherchaient et qu’ils n’eurent pas grand-chose à faire pour créer le tueur d’aujourd’hui. Je devins pire encore que je ne fus et ma sœur me reconnut à peine. Elle sait, elle, ce qui m’a rendu ainsi, elle sait qui je suis, moi, je me suis perdu. Elle, on l'a choyée, on l'a bichonnée, mais elle, elle voulait de l('action. C'est sur une mission que j'ai du la regarder mourir, tuée d'une balle dans la tête. Son image reste ancrée en moi, je ne peux ni l'oublier ni l'effacer.